Un nouveau maitre de conférence à l'ISFA : des patins à glace aux mathématiques
Interview de Franck Gabriel, nouveau maître de conférence au parcours aussi divers que passionnant
Pouvez-vous nous parler de votre formation ?
Franck : Après une classe préparatoire à Louis le Grand, je suis rentré sur concours à l'ENS Ulm où j'ai fait ma L3 et M1 de mathématiques ainsi que l'agrégation. Les M2 se faisant en dehors de l'ENS Ulm, j'ai fait le M2 El Karoui à Jussieu (spécialité probabilités). Par la suite, j'ai voulu m'ouvrir à d'autres domaines, et j'ai entrepris de faire le M1 Analyse et Politique Économiques de la Paris School of Economics. Pendant le M2, une opportunité s'est ouverte à moi de faire ma thèse en physique mathématique à Jussieu et j'ai saisi l'occasion. Une thèse, un post-doc à Warwick University et Imperial College, et un post-doc à l'EPFL plus tard, j'intègre l'ISFA cette année.
Comment êtes-vous arrivé jusqu'à l'enseignement ?
Franck : C'est d'abord une histoire de famille avec les parents et les grands-parents qui étaient dans l'enseignement. Mais aussi, l'enseignement est une composante qui est importante lorsque l'on intègre l'ENS Ulm. À cause de l'agrégation que l'on doit passer, mais aussi les professeurs de classes préparatoires font appel à nous pour les examens oraux que sont les khôlles. Ce goût pour l'enseignement, je l'ai mis à profit pendant ma première expérience d'enseignement pendant les Écuries d'Été. Le but était de mettre à niveau des étudiants qui rentraient dans des études supérieures (en savoir +). Pendant la thèse, j'ai eu la possibilité de donner des TDs dans divers niveau, mon premier cours de master à l'Institut de Statistique l'ISUP, puis à l'EPFL j'ai eu l'opportunité de donner un cours à l'École Doctorale. Je ne peux pas imaginer faire de la recherche sans enseignement, car, pour moi, la recherche commence lorsque je veux comprendre un sujet, et je ne le comprends que si je peux l'expliquer à d'autres personnes, en particuliers à des élèves.
Dans quel(s) domaine(s) vous êtes-vous spécialisé ?
Franck : Je me suis intéressé à plusieurs domaines : physique mathématiques (théorie de Yang-Mills, symétries en physique et théorie conforme des champs), l'économie (je travaille en ce moment sur des problématiques liées à la blockchain), le machine learning (plus spécifiquement les réseaux de neurones) et les matrices aléatoires.
Quel cours allez-vous donner à l'ISFA ?
Franck : Je vais en donner plusieurs :
L3 Actuariat - Cours d’intégration
M1 Économétrie et Statistiques (ES) - Cours de modèles aléatoires discrets (MAD)
M2 ES, Parcours GRAF - Cours de mesures de risque
M2 Actuariat - cours partagé avec Pierrick Piette en « Data Science et Pratiques avancées pour la tarification et le provisionnement"
M2 ES - cours partagé avec Denis Clos et Aurélien Couloumy en Data Mining, Text Mining et data visualisation
Pouvez-vous nous parler d'une de vos recherches en particulier qui vous aurait marqué ?
Franck : Mes travaux avec l'équipe de la Chaire "Statistical Field Theory" sur les réseaux de neurones, en particuliers l'introduction du Neural Tangent Kernel (en savoir +) fut une des aventures les plus formidables.
Nous étions totalement étrangers au domaine et nous sommes arrivés avec une théorie qui allait à l'encontre du consensus : nous montrions que les réseaux de neurones fonctionnaient et que, dans certains régimes, implémentaient les mêmes prédictions que certaines techniques "old school" (les méthodes à noyaux).
C'était en même temps excitant, mais nous étions terrorisés aussi de rentrer dans la cours des grands. D'ailleurs, un jour après la soumission de l'article, je trouvais une faute dans la preuve, que l'on a du corriger en 10 jours, nous suions à grosses gouttes ! Mais ce n'est pas la seule aventure marquante : nous sortions aussi de nulle part lorsque l'on a commencé à travailler sur les problématiques de "insider traders" en économie.
Vous avez été champion de France en danse sur glace et membre du conservatoire de Dijon pour votre pratique du piano. Faites-vous des parallèles entre vos pratiques sportives/musicales et vos réalisations académiques ?
Franck : En danse sur glace, je patinais en couple avec une danseuse, Mario Léo, et cela m'a appris à collaborer avec quelqu'un. Ce n'est pas la même chose de collaborer à 10 que de collaborer à 2 ou 3 : la dimension personnelle prend plus de place avec des collaborations réduites. Ainsi, dans ma recherche, il m'est important de collaborer avec des amis. De plus, que ça soit en patin ou en piano, ces activités ne prennent fondamentalement du sens que si l'on se fait plaisir, et que l'on fait plaisir aux spectateurs : cette philosophie a infusé dans ma recherche et mon enseignement. Rien de pire qu'un cours ou qu'un article pour lesquels je pense que les élèves/le lecteur ne prendront pas un minimum de plaisir à m'écouter/lire.